La dette... familiale !

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« … La dette familiale ne peut pas se régler simplement de façon économique et juridique. Elle est difficile à évaluer car immergée dans la valeur des liens affectifs,

aussi la tentation de surenchère est-elle grande. La difficile évaluation de la dette familiale tient en échec les rapports de justice et est à l'origine des conflits et d'une culpabilisation infinie. Lors d'un héritage ou d'un divorce, les disputes ne portent pas tant sur les biens matériels ou sur l'argent à partager, car à travers les biens ce sont les sentiments qui sont évalués, les personnes qui s'éprouvent, les vieilles rivalités et les blessures de l'enfance qui réapparaissent. La dette relève alors d'une logique affective qui risque de la rendre impayable, elle met en jeu des rapports d'emprise qui manifestent la volonté de tenir l'autre quand le lien menace de se rompre. L’intervention d'un tiers, par exemple d'un juge ou d'un psychologue, est parfois nécessaire pour que la relation familiale ne s'enferme pas dans une relation duelle créancier-débiteur déterminée par le conflit. … La dette familiale est enfin essentiellement une dette de mémoire. Garder la mémoire de ses origines, c'est faire acte de reconnaissance, rendre hommage à tous ceux qui nous ont précédé et soutenu dans notre histoire personnelle. Chacun peut s’acquitter de cette dette de mémoire et assurer la sauvegarde d’un lien entre les générations par la médiation d’une parole capable de raconter ce qui s’est passé, de mettre des mots et du sens sur un passé aussi douloureux et complexe soit-il. Transmettre, c’est donner des paroles à vivre, des paroles placées opportunément sur des souffrances restées sans voix. Le lien familial meurt quand il n’est plus soutenu par une mémoire vivante, dans ces familles où depuis longtemps déjà on ne parle plus. » Nathalie Sarthou-Lajus Eloge de la dette