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Comment vivre en temps de crise ?

Les ondes du séisme financier de 2008 continuent à se propager. Comment vivre cet au-delà de la crise ? Voilà la question qui taraude philosophes, économistes et sociologues.

« La crise, et après ? Deux ans après le krach financier de septembre 2008, l’heure n’est plus au pourquoi ni au comment on en est arrivé là. Voici venu le temps du bilan, entre décompte des effets politiques et sociaux de la crise, et inventaire des possibilités inédites qu’elle ouvre. Car pour les philosophes, ce glissement décisif de la crise à l’après-crise est du pain bénit : si le pire reste possible et même probable, tous veulent croire à l’opportunité unique de construire un système radicalement nouveau, et prêtent l’oreille au moteur de l’histoire en marche sous les décombres fumants du néolibéralisme.

« Repensons à la métaphore de Hegel, de la vieille taupe qui creuse souterrainement ses galeries et, un jour refait surface », propose ainsi Edgar Morin dans Comment vivre en temps de crise ?, citant cette formule de Hölderlin : « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve. » Inutile, pourtant, d’espérer récolter passivement les fruits de la crise : plus qu’un virage économique, un grand tournant anthropologique se dessine. Il s’agit de ne pas le manquer. Patrick Viveret évoque un « rendez-vous critique de l’humanité avec elle-même », occasion d’en finir avec la « démesure » et le « mal-être », ce couple infernal qui caractérise la crise.

Entre la catastrophe et la refondation, nos sociétés sont à la croisée des chemins. Seule certitude : le retour à la situation antérieure est impossible. La crise signe la fin d’un monde et en inaugure un autre, reconfiguré par la bataille qui, selon Hervé Juvin, fait actuellement rage entre l’économie et la société, entre le système et ses acteurs. Dans le Renversement du monde, cet économiste renvoie dos à dos les « gentils » défenseurs des grands principes universels et les « méchants » artisans de la mondialisation, en concluant que « la guerre des peuples, des nations et des civilisations contre l’individualisme universaliste et l’utopie sans-frontiériste est la guerre du présent ». Dans Après la crise, le sociologue Alain Touraine, lui, nous redonne une lueur d’espoir. A l’exemple du peintre Pierre Soulages, qui a dû « traverser le mur du noir » pour découvrir la lumière si particulière de l’outre-noir, il nous pousse à inventer un monde au-delà du noir de la crise, célébrant dans chaque individu l’avènement du sujet, ce « regard créateur de sens, face au non-sens qu’imposent les crises, le chômage, le totalitarisme ou le terrorisme ». Comme s’il suffisait de voir au-delà de la crise pour passer outre… »

Mathilde LEQUIN in Philosophie Magazine