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Paysans… toujours

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Henri Mendras* dès 1967 s’interrogeait sur le devenir des hommes de la terre de notre pays dans son ouvrage «La fin des paysans, innovations et changement dans l’agriculture française » (SEDEIS-Futuribles).

En 2010, si nous trouvons de grosses exploitations à caractère industriel, les petites et moyennes résistent encore et les jeunes continuent à s’installer. Agriculteurs ou paysans, ils cultivent et élèvent toujours.
Résistance ou adaptabilité ?

L’évolution générale de notre société à tendance industrielle et urbaine nous pousse à l’individualisme, à l’instantané et à des modes de communication virtuels. Face à cette hyperactivité permanente et à l’isolement engendré, certains d’entre nous aspirent à plus de lenteur, de respiration, de calme, de
contacts. Ainsi, dans nos pays industrialisés, nous assistons à la montée d’un désir de retour aux racines : l’exode rural du 19ème siècle fait place à l’exode urbain du 21ème où la ville représente le travail et le village la vie
familiale.

Cette dichotomie travail/famille n’existait pas dans le monde agricole. Selon Alice Barthez**, dans son livre « Famille, travail et agriculture » (Economica 1982), la relation familiale est un présupposé de la relation de travail dans les exploitations agricoles. Ce sont donc les règles de la famille qui prévalent. Aujourd’hui, l’agriculture a dû s’adapter et la relation de travail essaie de s’imposer à la logique de famille. Alice Barthez constate que, malgré tout, « ce mouvement reste inachevé ; la relation de travail reste une relation familiale ».

N’est-ce pas le secret de la pérennité de nos exploitations agricoles ? Les agriculteurs ne désarment pas malgré les difficultés. Ils défendent leur patrimoine, leur idée du travail et de la famille, leurs racines. Ils
souhaitent toujours transmettre l’exploitation à un de leurs enfants, le fils si possible, mais évoluent dans leurs relations sociales avec des
catégories de population non issues du milieu agricole. Parmi elles, il y a ceux-là même qui, fatigués du bruit trépidant des villes, aspirent à retrouver leur terroir, ceux qui partagent les bancs d’école avec leurs copains issus de
l’agriculture, ces enfants de la campagne qui poussent leurs études bien après le bac, ces conjointes qui, filles ou non d’agriculteurs, par volonté d’indépendance, travaillent à l’extérieur et contribuent financièrement au maintien de l’exploitation.

Ce nouvel équilibre entre urbains et ruraux et la demande croissante d’une relation directe entre producteur et consommateur représentent peut-être la nouvelle norme de nos exploitations agricoles. Ils nous confortent dans l’idée qu’il y a de la place pour tous et que nous avons besoin de tous.

* Henri Mendras (1927-2003)
Chercheur au CNRS, professeur de sociologie à l’IEP de Paris, conseiller à l’OFCE, fondateur et directeur de l’Observatoire sociologique du changement, membre du Conseil Economique et Social et membre de l’Académie d’agriculture. Auteur de nombreux ouvrages dont « La fin des paysans » qui suscita de nombreuses polémiques à sa publication.

** Alice Barthez
Chercheuse à l’INRA en Economie et Sociologie rurale de 1972 à 2004 puis consultant et formateur sur ces questions à Soissons sur Nacey (Côte d’Or) ville dont elle est le Maire.