Et s'il n'y avait plus de paysans !

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« … Les évolutions que connaissent les territoires ruraux sont fortement corrélées à la distance aux agglomérations en lien avec l’intensité du déversement résidentiel mais aussi à l’activité économique indépendamment des enjeux proprement-agricoles qui restent structurants.

Il est donc très difficile d'aborder les défis posés à ces territoires en ignorant les spécificités inhérentes à chacun d’entre eux. Premièrement, le modèle de développement agricole reste décisif pour la trajectoire d’un certain nombre de ces espaces. Dans ce cas, l’économie agricole prédomine de sorte que l’évolution sera fortement conditionnée par celle de la PAC avec toutes ses incidences sur les exploitations. La questions pour ces territoires est de savoir quels types d'agriculture nous souhaitons maintenir. Les leviers décrits sont souvent externes à l'agriculture et ils sont largement politiques. Le Royaume Uni n'a pas souhaité conserver une forme d'agriculture classique. Le nombre d'exploitants est tombé à moins de 0,5% de la population active, avec de vastes domaines. On peut tout à fait imaginer dans le futur et dans le cadre de la mondialisation l’expansion d'une telle agriculture productive quasi agro-industrielle dominée par de grandes exploitations capitalistes conduisant au délaissement de la ferme familiale traditionnelle, qui est le pilier de la plupart des territoires ruraux.

Ensuite, il se dessine de plus en plus clairement un nombre important de territoires au sein desquels l’économie agricole se double de la valorisation d'atouts patrimoniaux. On s'appuie alors sur ce qui est de plus en plus communément appelé l'économie présentielle. Dans ce cas, l'essentiel de la stratégie consiste à attirer des personnes et leurs revenus afin qu'ils consomment sur place. Ainsi, les territoires du littoral, ceux qui possèdent des attraits touristiques et les zones situées en bordure des agglomérations sont très largement avantagés. Il ne faut pas se tromper sur l’intention des arrivants. Même si nombreux sont ceux qui s’installent par amour de la campagne, attachement au territoire d’accueil et rejet de la ville, dans la plupart des cas, plus on s’éloigne du cœur des villes, plus les revenus baissent, suivant en cela la diminution des coûts fonciers avec l’éloignement des centres.

C'est pourtant l'inverse en Angleterre où les populations les plus riches résident habituellement à la campagne sur le modèle du manoir. La tendance se vérifie au fil des études observant les stratégies résidentielles outre-manche : une résidence rurale est socialement très valorisée et valorisante, le Britannique cherche des paysages préservés, l’espace, la proximité de la nature. Les communes rurales sont donc traditionnellement peuplées de riches. Ce modèle aristocratique anglo-saxon (qu’on retrouve aux Etats-Unis) commence à se diffuser dans certaines communes rurales françaises et ailleurs en Europe. Cela va diversifier encore davantage nos espaces ruraux… »

Giles Laferte