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Le modèle familial paysan

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"Le modèle familial paysan fondé sur le mariage a longtemps semblé être réfractaire aux nouvelles tendances. On divorce moins chez les agriculteurs, et on se marie moins - la vie contraignante de conjoint d’agriculteur n’attire pas les jeunes femmes. On a moins d’enfants, en raison sans doute de la peur de l’avenir. Les résistances aux changements pourraient aussi s’expliquer par des motifs historiques : c’est ici que la famille légitime patriarcale s’est construite. Il y aurait sans doute quelques enquêtes à mener pour savoir si ce n’est pas précisément le caractère familial du patrimoine et de l’activité rurale qui poussent les familles agricoles à être moins sensibles aux modes familiales. La question de la reconnaissance sociale de la famille dite recomposée ou de la famille homosexuelle semble aussi se poser avec moins d’acuité dans le monde rural. Cette opposition classique ville/campagne - l’ordre éternel des champs contre la modernité non moins éternelle des villes - est toutefois remise en cause à l’heure où les communications propagent les nouvelles modes dans l’instant. Les agriculteurs sont aujourd’hui aussi modernes que les citadins, ils ont simplement des contraintes spécifiques liées à leur activité.

Dès lors, pour le droit rural, s’efforcer de prendre en compte les mutations de la famille revient à s’interroger sur la place qu’il doit accorder à cette double mutation, celle de l’exploitation agricole familiale en particulier et celle de la famille en général

…Or le législateur rural a toujours pris en compte la dimension familiale de l’activité et du patrimoine agricole. Au point que le droit rural se retrouve un peu dans la situation des droits dits secondaires, les droits non civils de la famille (mais lui est civil). Il existe une définition rurale de la famille comme il existe une définition fiscale, pénale, sociale, de la famille. L’objet premier du droit rural n’est pas la famille, mais l’exploitation agricole ayant une dimension familiale incontestable, le droit rural prend en compte implicitement la famille. Il ne surprendra personne que la famille que nous livre le droit rural soit traditionnelle : elle reste dans les textes du Code rural, celle fondée sur le mariage. Le droit rural ignore les concubins, et la pluralité des modèles conjugaux. La question est de savoir si le droit rural doit prendre davantage en compte la famille dans sa diversité de modèles.

Plus spécifiquement, le droit rural prend aussi en compte la famille comme une finalité au travers de la notion d’exploitation agricole familiale. Les lois d’orientation agricoles successives -tous les vingt ans depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale - ont toujours affirmé que l’objectif prioritaire du droit rural était la défense d’une exploitation agricole de type familial…

…L’avenir familial de l’exploitation agricole peut ainsi être envisagé de deux manières. En tant qu’objet du droit rural, l’exploitation agricole peut
être conduite à tenir compte de l’évolution de la famille. En tant qu’objectif du droit rural, c’est, en revanche, son avenir qui est mis en cause : le droit rural peut-il continuer à défendre une exploitation de type familial ?

Hubert Bosse-Platière