Tel est le constat de l'économiste Daniel COHEN pour qui, "dépenser son argent pour faire le bien public devrait être une norme, une sorte d'obligation sociale... Le mariage de la biologie et du numérique alimente l'idée folle de vaincre la mort... Mais ce serait une erreur de penser que des nouveaux milliardaires sont près à se substituer à la puissance publique".
Pour l’économiste Daniel COHEN qui parle « de régulation civique » ajoutant : « Les réseaux sociaux ont créé le monde étrange où les données privées peuvent être vendues au tout-venant tout en protégeant l’anonymat des auteurs de libellés haineux. Un habeas corpus numérique devient fondamental. La commission européenne en a posé les premières bases avec un droit sur la protection des données individuelles qui s’appliquera à partir du 25 mai prochain. Oui, le moment d’un questionnement moral est venu ».
En effet la quasi-totalité des économistes s'est affrontée au point de créer une ligne de fractures, le texte de loi cristallisant les antagonismes entre plusieurs courants de pensée. Du côté des défenseurs de la loi, le Prix Nobel Jean TIROLE, Olivier BLANCHARD (du FMI), Ph. AGHION (Professeur au collège de France), P.Y. GEOFFARD (Directeur de l'école d'économie de Paris) ; du côté des adversaires : Thomas PIKETTY, Daniel COHEN, Pierre-Cyril HAUTCOEUR (Président de l'EHESS). Pour D. COHEN "il y a une sorte d'accumulation de fatigue des intellectuels face aux défis qui leur sont lancés par le pouvoir". Cette controverse est une leçon sur le bon usage de l'économie dans le débat politique.
L'économiste poursuit : "Il faudrait idéalement que la perte d'un emploi soit un non-événement : les gens ont accumulé des droits, vont être accompagnés, formés... il faut assumer une politique plus radicale... Il faudrait parvenir à un nouvel âge de l'Etat-providence qui garantisse aux gens que les ruptures professionnelles, de plus en plus fréquentes ne se traduisent plus par une déchéance à la fois financière et morale".
Le professeur écrit également : « Le numérique capte la richesse et c’est le service de proximité qui tend vers la gratuité … La révolution numérique engage la même transformation pour la société de services dans son ensemble … Ce que les économistes appellent des rendements d’échelle ont un prix : une profonde déshumanisation de la société … Le numérique donne aux consommateurs
les moyens de s’auto-exploiter … L’enjeu est de faire émerger une nouvelle classe moyenne avec des personnes qui ne seront pas parmi les plus qualifiées ». Et l’économiste D. COHEN de nous rappeler que « nous sommes à un moment où s’instaurent de nouveaux rapports entre l’homme et la technique ; il faut donc retrouver de la respiration ».
D. COHEN, Directeur du département d’économie de l’Ecole Normale Supérieure, vient de publier un ouvrage intitulé « Il faut dire que les temps ont changé » (chez Albin Michel). Dans ce livre passionnant, D. COHEN revient sur les 50 dernières années en analysant l’évolution des cultures, des comportements et des technologies qui nous ont fait basculer dans une nouvelle ère. Selon D. COHEN, « Le capitalisme n’est pas mort et il n’est pas devenu moral … Au travail à la chaîne et à la consommation de masse on est en train de substituer un nouveau système tout aussi déshumanisant, celui qui nous installe derrière nos tablettes et nos ordinateurs … »
"L'Europe est une alliance juridique, une puissance qui fonctionne à la règle, qui marche au droit. C'est sa faiblesse, cela peut devenir sa force. L'Europe dispose du pouvoir de sanction lorsque quelqu'un ne respecte pas les règles. Si TRUMP les transgresse, l'Europe aura enfin les moyens de sa puissance". Et Daniel COHEN d'ajouter "j'attends de voir le jour où TRUMP prendra le risque d'empêcher la "Silicon Valley" d'exporter ses produits... Tout le monde y perdrait encore d'avantage".
Pour l’économiste Daniel COHEN « Une croissance forte est, pour MACRON, indispensable pour donner le sentiment que ses mesures tirent tout le monde vers le haut. Privé de cette croissance, le monde qu’il a créé se transforme en un jeu à somme nulle entre différents ayants droit, où l’on déshabille l’un pour habiller l’autre et qui finit par effacer la figure jupitérienne qu’il a présentée. » Pour Daniel COHEN « en multipliant les transferts de richesse, E. MACRON divise la société, à rebours du discours général qu’il veut donner d’une société réconciliée avec elle-même ».