Reconstruire des espaces de savoir et de compétences

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« … Souvent précurseurs dans l'usage de l’outil informatique, de nombreux agriculteurs « surfent » sur les réseaux sociaux. On estime à 60 % aujourd'hui le taux d'exploitations professionnelles connectées.

Que ce soit dans un but professionnel ou personnel, ils maîtrisent désormais les outils qui leur permettent d'entrer en relation avec des personnes de tous horizons. Et les impacts de ces phénomènes ne sont pas à sous-estimer car ils participent activement à la redéfinition de leur environnement local, en accédant à une diversité d’espaces géographiques et virtuels. Le local n'est plus seulement l'espace où se tissent des liens sociaux à l’intérieur d'un groupe ou dans un voisinage. Les relations sociales se redéfinissent donc autour de nouveaux types de communications, permettant une ouverture sur le monde et participant à l'enrichissement des relations sociales. Le local peut aussi prendre la forme d'un espace numérique où règne la communication virtuelle. Ces nouvelles relations sociales participent de la volonté de dépasser le sentiment d’isolement et de solitude.

Sur un plan professionnel, il s'agit de construire des espaces de savoirs et de compétences alternatifs. Ainsi, les nouvelles générations d'agriculteurs se détachent volontiers de leur groupe de pairs locaux traditionnels au profit d'une communauté virtuelle où se partagent des expériences techniques variées. Ce détachement s'accompagne d'une réticence à l'égard des organisations plus formelles. À l'inverse de certains groupes institués où l'on ne retrouve pas cette écoute et démarche participative du conseil et de l’innovation techniques, ces réseaux informels offrent sur la « toile » des lieux d'expression partagée au service de la « Preuve » (co-construction de la preuve économique et/ou scientifique des choix qui ont été faits sur l'exploitation). L’individu devient ainsi juge de ce qu'il fait : chacun devient expert.

Ces réseaux sociaux sont également des lieux de réassurance identitaire. La technique devient dans un second temps un prétexte pour aborder d'autres sujets (notamment d’ordres sociaux). De la rencontre entre les enjeux sociaux et les enjeux techniques naissent des tentatives de réponses politiques qui nourrissent de nouvelles formes de mobilisation et de contestation. »

François Purseigle